“Les consommateurs ont complètement changé la façon de voir les choses, ils ne souhaitent plus qu’on leur propose un parcours d’achat mais un parcours de vie”
Arnaud Gallet
Nouveaux modèles de distribution, parcours consommateurs, agencements, web-to-store, store-to-web… Les points de contacts entre une marque et ses publics ont été démultipliés par les outils digitaux et cette foisonnante prolixité suscite un engouement constamment renouvelé auprès des professionnels du retail online et off-line. Nourri par une expérience et une analyse approfondies du e-Commerce, ce premier article fait le point sur l’avenir du retail, en apportant des réponses simples et documentées aux questions que se posent les professionnels.
Dans la nature (et en l’absence d’intervention extérieure notable du type météorite géante s’écrasant dans le golfe du Yucatan) les espèces s'adaptent ou disparaissent. Il en va de même dans la distribution. Solidement ancrée sur des modèles ancestraux qui plaçaient des espaces de vente physiques à proximité des consommateurs, la distribution n’a pas anticipé l’apparition des nouveaux modes de consommation de l’ère digitale. Les grands dinosaures avaient fait la même erreur en leur temps et on en voit plus guère dans nos magasins… Si la distribution traditionnelle est cependant loin d’avoir disparu, il lui faut s’adapter à un environnement mouvant pour survivre. Les facteurs de différenciation traditionnels (compétitivité des prix, proximité, exigence de qualité…) ne suffisent plus.
La rapidité des cycles exige une réactivité toujours plus grande, une souplesse et une agilité que certains ne pourront atteindre, les condamnant irrémédiablement à disparaître ou à s’adapter. En d’autres termes, il faut se réinventer et imaginer un commerce hybride, sorte d’ornithorynque mariant retail traditionnel et e-commerce, que l’on pourrait appeler le Phygital Retail (phygitalisretailum).
Après une année 2017 en hausse de 14% avec 81,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 2018 a vu le e-commerce dépasser le seuil des 90 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France. Le nombre de transactions explose, affichant une hausse de 20% tandis que les achats sur mobiles progressent d’un insolent 38% (source : FEVAD). L’ampleur de ces niveaux signe l’engouement fort et soutenu du public pour ces canaux de vente.
Cette croissance est portée par la fréquence des achats. Les sites e-commerce, les marketplaces mais aussi les acheteurs sont plus nombreux. On pourrait opposer à ces résultats que le panier moyen des Français est en baisse continuelle (-28% depuis 2010 selon Comarketing et la FEVAD) mais il faut plutôt voir dans ce phénomène :
En d’autres termes, le e-commerce est (enfin) entré dans les mœurs et la pulsion cède la place à une certaine forme de raison, née de l’habitude. Pour un site e-commerce, cette courbe pourrait cependant devenir problématique si elle venait à décrocher. Aussi pour palier la désaffection d’utilisateurs très sollicités, plusieurs outils, digitaux (parfois adossés à des solutions physiques), ont été développés et permettent de maîtriser ces flux mouvants. Leur mission : optimiser les coûts tout en générant plus de ventes.
Parmi ces outils on trouvera par exemple :
1 vente en ligne sur 2 devrait s’effectuer sur mobile en 2020 (source : Think with Google). Le m-commerce (“m” pour “mobile”) gagne ses lettres de noblesse, tant en volume qu’en chiffre d’affaires. Balbutiant il y a peu, le mobile profite des avancées technologiques pour passer un cap : il rassemble désormais près d’un tiers des achats, représentant 20% du CA global du secteur.
L’époque des achats en ligne réalisés chez soi (ou au bureau) s’éloigne lentement. 67% des Français privilégient désormais leur smartphone pour surfer sur Internet et on estime que près de 40% des ventes devraient s’effectuer sur mobile en 2020 (Source : CRR & Comarketing). Mieux : les chiffres 2018 s’annoncent phénoménaux, avec un chiffre d’affaires mobile de 17,5 milliards d’euros en France, soit en croissance de 95% par rapport à l’année dernière ! (Source : CRR). Avoir un site “responsive” (disposant d’une version adaptée au format mobile) ne suffit donc plus. Un site e-commerce doit être pensé en premier lieu pour ce média. L’expérience utilisateur doit être accentuée, avec un contenu et des call-to-actions adaptés au mobile. Les vendeurs doivent proposer des sites plus fonctionnels, plus esthétiques, proposant une offre personnalisée et un parcours d’achat plus intuitif.
Cette approche qualitative a les faveurs de l’algorithme de Google, et permet de remonter dans les résultats de recherche. En plus des achats, la recherche de produits, de magasins, la consultation d’avis ou encore le suivi de commande sont majoritairement réalisés en mobilité (qui n’a jamais consulté l’état d’avancement de sa livraison sur son mobile ?). Ces comportements mobiles ont donc un impact majeur sur la réflexion en amont des acteurs du e-commerce ; celle-là même qui doit assurer la réussite du projet commercial.
Les voyants semblent au vert pour tous les acteurs du e-commerce, mais la réalité est plus contrastée. En effet le marché reste dominé par des mastodontes comme Amazon, Cdiscount ou encore La Fnac. Au final, 5% des sites marchands avalent 87% du chiffre d’affaires généré par le secteur ! (Source : LSA)
Pour les sites de TPE/PME, dont 67% sont rentables ou à l’équilibre, le challenge n’est pas d’envisager concurrencer ces mastodontes du web mais bien plutôt de réinventer de nouvelles pratiques, notamment en combinant leur activité digitale à des points de vente physiques.
Avec l’essor du digital, le sort du retail "brick and mortar” (brique et mortier) semblait scellé. Les sites e-commerce allaient peu à peu enterrer les magasins physiques et l’on nous promettait d’immenses friches industrielles et commerciales tout juste bonnes à servir de lieu de tournage pour des clips de rap. Mais à l’instar des héros de certaines séries à succès, les morts ont la vie dure et le magasin de quartier a toujours le vent en poupe !
De fait, tous les types de commerce, quel que soit leur taille, sont impactés par les nouvelles pratiques en retail comme dans le digital. Les moguls du secteur que sont Amazon (ouverture des magasins Amazon Go sans caisse, installation des Amazon Lockers…), Google (partenariat avec Walmart) ou même Zalando (ouverture de la “Beauty Station”), se mettent à acheter des boutiques physiques et à proposer de nouveaux services que d’aucuns pourraient qualifier “de proximité”.
Car, malgré une digitalisation massive, le client lui, n’est pas virtuel. Il a besoin (et de plus en plus) de vivre une véritable expérience globale, de faire appel à ses sens pour découvrir le produit et interagir avec lui. La complémentarité entre l’e-commerce et le commerce physique est donc évidente. Pour les acteurs du marché l’harmonisation de ces univers est vitale, et c’est là le cœur d’une stratégie omnicanal.
Mais parce que nous avons beaucoup de choses à dire, et parce que vous avez beaucoup de choses à faire, nous aborderons ces stratégies passionnantes dans un prochain article, en parallèle des nouvelles dispositions à adopter pour les e-commerçants.
On se retrouve prochainement !